« On ne crée pas sans foi en quelque chose » – Cheikh Anta Diop

Seulement tout ceci ne sera possible que le jour où l’Afrique redeviendra elle-même, c’est-à-dire quand elle cessera d’être engrenée par toutes ces croyances sordides qu’on lui a infusées méthodiquement. Mais à ce point de vue nous savons faire une entière confiance au continent africain: nous restons absolument convaincus que, malgré les méthodes d’asservissement moral étudiées jusque dans leurs moindres détails, l’Afrique saura, avec une facilité désespérante, rejeter, comme dans un mouvement de nausée, toutes ces croyances malsaines qui ont atrophié son âme et l’empêchent d’atteindre à sa véritable plénitude.

Il y a une communication instinctive entre l’Africain et la nature qu’aucune croyance ne saurait abolir sans être néfaste pour lui. Et c’est grâce à cette communion que l’Africain pourra atteindre son niveau humain véritable, spécifique, la réalisation de toutes les possibilités qu’il porte en lui. Nous sommes persuadés, comme tout le monde, que l’on ne crée pas sans la foi en quelque chose. C’est ainsi que la mythologie gréco-latine a donné naissance, provisoirement, à une civilisation féconde. C’est ainsi que la foi chrétienne, islamique, bouddhique a été à l’origine de créations artistiques. Mais rien ne garantit la durée de telles croyances devant l’éternité de l’univers; elles semblent liées à des nécessités géographiques et historiques. Tandis que la croyance laïque en la nature n’a rien de scientifiquement absurde, de caduc, de limité: c’est pour cela que nous espérons qu’elle est appelée à remplacer dans l’avenir tous ces faux contacts avec la nature.

Cheikh Anta Diop, extrait de « Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? », article paru dans la revue « Le Musée Vivant », n° spécial 36-37, novembre 1948, Paris, pp. 57-65